Argentine : la présidente annule un voyage par manque de confiance en son vice-président

Cristina Kirchner a suspendu son voyage en Chine pour ne pas laisser la charge de l’Exécutif durant 10 jours au vice-président Cobos

La Présidente a argué que le vice-président “ne remplit pas le rôle que lui assigne la Constitution”, donc il ne pouvait pas rester au commande du pays. Elle a donné des instructions pour réunir la commission parlementaire qui doit décider du limogeage du président de la Banque Centrale Argentine, Martín Redrado.

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Cristina Kirchner a suspendu son voyage en Chine pour ne pas laisser la charge de l’Exécutif durant 10 jours au vice-président Cobos

La Présidente a argué que le vice-président “ne remplit pas le rôle que lui assigne la Constitution”, donc il ne pouvait pas rester au commande du pays. Elle a donné des instructions pour réunir la commission parlementaire qui doit décider du limogeage du président de la Banque Centrale Argentine, Martín Redrado.

À quelques jours d’un voyage prévu de longue date, la présidente Cristina Kirchner a décidé de suspendre sa visite en Chine pour éviter que Julio Cobos reste aux commandes de l’Exécutif. “Le voyage m’obligeait à être à l’étranger durant un laps de temps trop grand. Le vice-président ne remplit pas le rôle que lui assigne la Constitution. Non seulement il est devenu un leader du parti d’opposition, mais il fait directement obstruction et s’oppose aux mesures qui sont du ressort de la présidence. J’ai décidé de reléguer cette mission parce que je crois que si les autres n’exercent pas leurs rôles avec responsabilité, j’ai à le faire”, a-t-elle assuré hier depuis le Salon Sud de la Casa Rosada. La Présidente a aussi annoncé qu’elle avait informé le Président de la Chambre des députés, Eduardo Fellner, qui se trouvait présent sur place avec les chefs des groupes parlementaires Agustín Rossi et Miguel Pichetto, pour que se réunissent les commissions parlementaires du Budget et des Finances. La session des deux chambres ne pourra décider du limogeage de Martín Redrado à la présidence Banque Centrale que lorsque les deux commissions se seront mises d’accord.

Cette réunion s’est peu après transformée en une conférence de presse durant laquelle CFK [Cristina Fernadez Kirchner] a répondu aux questions, elle s’est aussi montré en désaccord avec une interprétation qui cherchait à opposer le gouvernement avec le geste de convivialité supposé de l’accolade de Sebastián Piñera à Eduardo Frei. “S’il y a une évaluation si ingénieuse des Chiliens, que méritent les adversaires qui envoient des lettres à des ambassades en parlant mal du gouvernement”, a répliqué la présidente en faisant allusion à la députée Elisa Carrió (1).

Après avoir annoncé l’annulation de son voyage, la présidente a mis en cause Cobos parce qu’en même temps il occupe le poste de vice-président et est entrain d’accélérer ses actions en tant que présidentiable pour 2011. “On ne peut pas être vice-président et adversaire. Il y a une incompatibilité entre une chose et l’autre. On ne peut pas être dans la tribune de la Boca tout en applaudissant les buts de la River”, a-t-elle illustré en exemple.

Comme elle l’a indiqué, tout citoyen a le droit d’exprimer ses différences publiquement avec l’Exécutif mais “pas depuis le poste de la vice-présidence, parce que la Constitution lui assigne un rôle très clair”. “Il y a une incompatibilité manifeste entre le rôle constitutionnel et les attitudes (de Cobos), pas seulement comme chef virtuel d’un secteur de l’opposition, mais directement à la décision de la Présidente en ce qui concerne le changement du directeur de la Banque Centrale” a-t-elle soutenu. Deux heures après la fin de la réunion, la direction de presse de la présidence du Sénat a fait circuler un communiqué dans lequel Cobos répondait à la Présidente (voir à part). La réponse de Cobos a entrainé à son tour de nouvelles répliques de la part de l’Exécutif, qui s’est à nouveau exprimé pour contester sa condition ambiguë à la fois de vice-président et de référent de l’opposition. Hier soir, dans un dialogue avec Página/12, le santafesino [habitant de Santa Fe] Rossi a réitéré son exigence pour que Cobos abandonne l’Exécutif. “Celui qui a la clef pour que la Présidente voyage en Chine c’est lui. Qu’il renonce, qu’il permette que le président provisoire du Sénat (José Pampuro) remplisse le rôle du vice-président et alors la Présidente pourra voyager en Chine”, a insisté le chef du groupe de la majorité présidentielle.

Rossi aura un rôle important aux deux réunions qui ont été déjà annoncées pour demain après-midi. La convocation ordonnée par Fellner comprend les commissions du Budget et des Finances, qui devront choisir leurs autorités. Quand celles-ci seront élues – un accord préalable propose messieurs Gustavo Marconato (FPV) et Alfonso Prat Gay (ACyS) pour ces postes – les deux chambres pourront se réunir pour donner leur avis sur le limogeage de Redrado. Un avis, oui mais sans caractère inaliénable.

La Chine peut attendre

L’annonce de la Présidente de l’annulation de son voyage en Chine a surpris toute l’opposition et elle a pris dépourvus beaucoup de fonctionnaires de l’Exécutif. La mission à Beijing avait réveillé des expectatives à la Chancellerie, et également au Ministère de la Planification. Du le sommet latino-américain au Portugal, auquel ont participé des entrepreneurs espagnols, le gouvernement était revenu en annonçant que la Chine pouvait être intéressée par l’achat d’un paquet d’actions YPF.

Dans la conférence de presse, CFK a répondu à des questions sur le conflit qui a entrainé la décision de Redrado de résister et de vouloir rester à son poste. Les journalistes présent lui ont demandé si elle pensait en appeler à des séances extraordinaires pour que le Congrès traite les décrets à propos du Fond du Bicentenaire et de la révocation de l’ex-Golden Boy. La Présidente a répondu que la révision du DNU qui permettra la création du Fond du Bicentenaire sera réalisée durant les séances ordinaires qui commenceront le 1er mars prochain.

Dans le dialogue avec les chroniqueurs accrédités dans à la Casa Rosada, CFK s’est montré en désaccord avec la question d’un journaliste de Clarín qui avait mis en opposition son administration avec l’image supposément ouverte au dialogue [apaisée] de la politique chilienne. “Il est facile de se mettre du côté de presse indépendante et de montrer du doigt la politique argentine en la décrivant comme mauvaise”, a-t-elle répliqué. Tout de suite elle a rappelé qu’en 2003 après que son mari eu gagné, il avait seulement reçu l’appel de Ricardo López Murphy et quand elle avait été élue en 2007 aucun dirigeant de l’opposition ne l’avait félicitée.

La Présidente a continué peu après avec une critique particulière contre le Groupe Clarín. “Il y a pas seulement un comportement de l’opposition totalement différent de ce qui se passe dans un autre pays, mais aussi le comportement de certains médias, spécialement le monopole Clarín (2) à propos des intérêts économiques et personnels de ceux qui sont ses actionnaires majoritaires. Nous autres n’avons jamais été avec aucun gouvernement militaire, nous n’avons jamais reçu les entreprises d’un gouvernement militaire, nous n’avons jamais rien reçu des militaires. Nous sommes sûrs de qui nous sommes, de ce que nous avons, de nos enfants et nous pouvons le dire face à tout le pays et à tous les argentins”, a-t-elle souligné.

La chef de l’État a aussi dit que l’évolution des indicateurs financiers sur les dix derniers jours démontrait que malgré le conflit pour les réserves [de la BC] “la gouvernabilité n’a pas été ni sera en situation risquée”.

Martín Piqué pour Página/12

(1) NDT : en novembre dernier la députée de centre-droit, et chef de l’opposition, Elisa Carrió avait envoyé une lettre aux ambassades de différents pays d’Amérique Latine, aux pays de l’UE et à ceux d’Amérique du Nord en dénonçant une "escalade inhabituelle de la violence" qu’elle attribuait au gouvernement de Mme Fernandez Kirchner en indiquant que "les institutions démocratiques et républicaines se trouvent sérieusement compromises" et sous-entendant que la présidence de Mme Kirchner était de moins en moins légitime, tout en indiquant que l’opposition éviterait au possible de tenter de la destituer. "Lilita sort les torchons au soleil" (en espagnol).

(2) NDT : le Groupe Clarín appartient aux Noble l’une des familles les plus puissantes d’Argentine, il possède outre le quotidien des chaînes de télévision (Artear et Canal 13), de câble (Cablovision) et une radio (Radio Mitre), voir le diagramme plus bas. Il a été récemment accusé d’avoir une position quasi monopolistique lors des discussions autour de la Loi sur les Services de Communication Audiovisuel, loi qui a permis d’ouvrir le secteur aux structures citoyennes et associatives. Ernestina Herrena de Noble, directrice du journal, a également été mise en cause pour appropriation illégale d’enfants sous la dictature.

Source : Página/12 "Con la muralla dentro de la Casa Rosada"
Traduction : Primitivi