Honduras : Le coût du coup d’État

L’article d’opinion de Julio Escoto paru dans le quotidien El Heraldo est à la fois incroyable et partiel. Incroyable car ce quotidien aux mains de la famille Facussé a soutenu le putsch de bout en bout et après lui la présidence de Lobo. Et Escoto écrit dans les colonnes de ce journal que le coup d’État a réellement existé, alors que celui-ci avait toujours été présenté comme une "transition constitutionnelle" et que la résistance est traitée de ramassis de terroristes.

Partiel, car bien qu’Escoto évoque les différentes malversations, les énormes dépenses militaires, et les campagnes de lobbying et de com’ lancées sous Micheletti il ne parle pas de l’actuelle présidence de Lobo qui n’est autre que la dictature parée d’oripeaux démocratiques. Une démocrature, sous laquelle encore plus de gens sont assassinés, sous laquelle les dépenses militaires explosent pour atteindre bientôt pas loin de 3 milliards de lempiras, sous laquelle l’ancien chef d’État-Major Romeo Vásquez a été nommé gérant de l’entreprise de télécommunication Hondutel, entreprise par laquelle chemine les SMS envoyés par les escadrons de la mort à leurs victimes... Bref, au constat d’Escoto il manque la partie la plus actuelle, et certainement la plus douloureuse : la transfiguration de la dictature.

Mais tout cela fera l’objet de notre part d’un article complémentaire sur les coûts du putsch.

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L’article d’opinion de Julio Escoto paru dans le quotidien El Heraldo est à la fois incroyable et partiel. Incroyable car ce quotidien aux mains de la famille Facussé a soutenu le putsch de bout en bout et après lui la présidence de Lobo. Et Escoto écrit dans les colonnes de ce journal que le coup d’État a réellement existé, alors que celui-ci avait toujours été présenté comme une "transition constitutionnelle" et que la résistance est traitée de ramassis de terroristes.

Partiel, car bien qu’Escoto évoque les différentes malversations, les énormes dépenses militaires, et les campagnes de lobbying et de com’ lancées sous Micheletti il ne parle pas de l’actuelle présidence de Lobo qui n’est autre que la dictature parée d’oripeaux démocratiques. Une démocrature, sous laquelle encore plus de gens sont assassinés, sous laquelle les dépenses militaires explosent pour atteindre bientôt pas loin de 3 milliards de lempiras, sous laquelle l’ancien chef d’État-Major Romeo Vásquez a été nommé gérant de l’entreprise de télécommunication Hondutel, entreprise par laquelle chemine les SMS envoyés par les escadrons de la mort à leurs victimes... Bref, au constat d’Escoto il manque la partie la plus actuelle, et certainement la plus douloureuse : la transfiguration de la dictature.

Mais tout cela fera l’objet de notre part d’un article complémentaire sur les coûts du putsch.

Le coût [du coup d’État]
par Julio Escoto, écrivain et essayiste hondurien
El Herlado le 17 juin 2010

Pour la santé mentale et la transparence, le moment est arrivé de connaître en détail combien la crise déplorable de l’an dernier a coûté aux honduriens.

En vies humaines il y a déjà des décomptes précis sur plus d’une centaine de personnes tuées par les forces de sécurité ou pour des motifs relatifs à leur filiation à des mouvements de résistance contre le putsch. Trois rapports de confiance sur les abus des droits citoyens l’affirment, ils détaillent avec horreur comment depuis trois cents jours que se déchaînent les événements il n’y a pas la moindre avancée pour punir les coupables, au niveau des enquêtes policières, de la responsabilité pénal et des cours de justice.

Une partie du coût de ce triste moment c’est aussi les dommages irréparables occasionnés à la crédibilité démocratique [hondurienne], un sujet qu’on ne pourra éviter malgré les limitations existantes et l’auto-proclamée "Commission de la Vérité".

Car il ne suffira pas que l’inévitable soit fini, qu’ici un coup d’État se soit déroulé, et non pas une soit-disant "succession présidentielle" (ce qui revient à dire qu’on ne tue pas le patient mais qu’on "suspend ses fonctions vitales") et on devra poursuivre plus en profondeur jusqu’à dénoncer – ce serait mieux si les auteur(e)s et les complices se livraient d’eux-même – les délits publics et les détournements, comme celui d’avoir fait une fausse lettre de révocation présidentielle écrite par le Congrès [1], l’expatriation irrévocablement illégale du citoyen Zelaya, comme le fait d’avoir unilatéralement révoqué un gouvernement élu par le peuple, comme l’accession au pouvoir de fonctionnaires non élus, interdite par la Constitution.
Ainsi que beaucoup d’autres crimes et délits, dont le "Gacetazo" qu’il faudra mettre un jour en lumière [2], un fait jusqu’à présent passé sous silence. La liste est presque interminable mais cela n’empêche pas qu’elle soit parcourue du début à la fin.

La semaine dernière des informations télévisées ont assuré que les coûts de la répression militaire entre 2009 et 2010 se sont chiffrées à quinze milliards de lempiras, données dont j’ignore la provenance et qui semblent présomptueuses. En regardent calmement, cela correspondrait à environ 700 millions de dollars qui coïncident avec la chutes des réserves internationales [honduriennes], et avec ce qui a dû être "investi" en munitions, boucliers, matraques, tanks, gaz anti-émeutes, gel moutarde toxique et – si une telle brutalité est possible – dix mille bombes lacrymogènes obtenues subrepticement grâce au gouvernement du Pérou [3]. Il convient également de comptabiliser les coûts de la mobilisation durant des mois de l’armée dans les rues, qu’un expert a évalué à environ un million de lempiras par jour, au coût du combustible pour les avions et les hélicoptères de la force aérienne, pour les véhicules à moteur terrestres et navals, le coût du recrutement d’agents et de policiers et de cette sorte de mercenaires (sicaires) dans laquelle s’est engagée une partie des réservistes, et qui a exigé beaucoup d’argent.

Et si on veut feindre une équité de jugement il faudrait aussi ajouter combien de budget a été gaspillé dans le projet de la quatrième urne, y compris les soixante millions de lempiras qui, selon sa propre confession, Manuel Zelaya a remis sans aucun reçu à Romeo Vásquez [4].

Dans ce calcul une colonne spéciale devra être ajoutée pour indiquer les montants dépensés afin d’influer les médias de communication, les journalistes et les écrivains, pour acheter les conseillers serviles, les montants dépensés dans des commissions de "lobbyistes" à l’étranger [5], dans des compagnies chargées de nettoyer l’image [des putschistes] [6], dans les marches financées secrètement [7], dans les "allocations" versées à des conseils industriels et à des chambres de commerce, dans les concessions pressées et vicieuses qui ont hypothéqué des biens de la patrie [8], ils ont provoqué la perte l’État et ils ont grossi la dette nationale... Nous exigeons de savoir.

Le putsch a été un mauvais calcul, une erreur démesurée, une négociation politique intelligente aurait pu l’éviter. Pour l’évincer de l’histoire et désamorcer des passions il faut qu’une lumière absolue soit faite sur les responsables et les coûts que leur actions ont occasionné. Continuer de nier, ou de déguiser le réel, stimule des ressentiments et maintient pourrissant et pestilent le cadavre de la démocratie hondurienne. Pour envisager de commencer à reconstruire il faut d’abord s’obliger à soigner les blessures.

Source : "El costo"
Traduction : Primitivi


[1Le lendemain de l’enlèvement et de l’expulsion de Manuel Zelaya, une lettre de démission provenant soit disant de la main de Mel fut lue au Congrès. Ce fut LA justification de la "transition constitutionnelle" dont se targuait Roberto Micheletti.

[2L’affaire de la Gazette, la Gazette est le JO hondurien. Afin de vendre une usine hydroélectrique au privé Micheletti a fait publier deux Gazettes, l’une a 20 exemplaires qui contenait le décret de la cession de l’unité de production, l’autre omettant la publication dudit décret, ce qui a donné lieu à un grave scandale, connu comme "Le Gacetazo".

[4L’article "En la basura el Honor, la Lealtad y el Sacrificio de las Fuerzas Armadas" du quotidien El Libertador parle de cet épisode où Zelaya a remis 60 millions de lempiras à Romeo Vásquez pour les frais de la mise en place de la quatrième urne, somme détournée par le haut commandant. Par contre Julio Escoto n’évoque pas des 200 millions de lempiras détournés par les hauts gradés de l’armée auprès de la Chambre du Commerce et d’Industrie de Tegucigalpa, qu’indique également l’article d’El Libertador.

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