Finalement le second tour de dimanche n’a fait que confirmer le premier. Santos, l’homme d’Uribe, le coordonnateur de la "sécurité démocratique" l’inventeur du terme "faux-positifs", l’homme condamné par l’Équateur voisin, est le nouveau président colombien.
Mais ça n’est pas parce qu’il a été choisi par le plus grand nombre de votants qu’il représente la population colombienne. Orlando Flores nous explique un peu mieux qui vote et qui ne vote pas en Colombie et remet un peu les pendules à l’heure.
Pour qui va gouverner Santos ?
Orlando Flores
Oui, Juan Manuel Santos est président de ce pays. Quelqu’un doutait-il de cela dans la plus vieille démocratie du monde ? La [démocratie] colombienne est une "démocratie" au style féodal dans lequel les familles ayant du pouvoir se battent pour elle tous les quatre ans et cherchent à faire participer la majorité de la population, qui souffre de leurs actes, à leur "fête" électorale. La famille Santos est lié à l’oligarchie depuis qu’au XVIIIe siècle Antonia Santos Plata a participé dans la confrontation qui a donné lieu à ce qu’on appelle aujourd’hui l’Indépendance de la Colombie, dont on commémore le bicentenaire cette année.
Juan Manuel Santos se prépare depuis des années à être président de la République — comme l’était son oncle Eduardo Santos entre 1938 et 1942 — après avoir été Ministre du Commerce Extérieur sous la présidence de César Gaviria, Ministre des Finances avec Andrés Pastrana et Ministre de la Défense avec Álvaro Uribe. Tant d’années aux côtés du pouvoir donnent lieu à beaucoup d’astuces dont le point culminant, à ce que l’on a pu confirmer, est arrivé lors du premier tour de ces élections présidentielles, avec les fameuses "inconsistances" des décomptes de votes.
Cette "inconsistance" empêche de parler de “fraude“ conduit tout de même à des plaintes directes ou indirectes qui viennent soutenir la méfiance à propos de la "légalité" de ces élections, comme celle de l’ex-candidat présidentiel pour le Pôle Démocratique Alternatif qui a assuré que le Registre a sous-traité une partie de la logistique des élections avec une entreprise liée à Santos.
D’un autre côté plusieurs chiffres d’exclusion sont inquiétants : 46% de la population est pauvre et 17,8% extrêmement pauvre, le chômage atteint 12,8% et la Cour Constitutionnelle a déclaré que 32 des 102 peuples aborigènes sont en danger d’extinction. La possibilité qu’un jeune adulte meure assassinée en Colombie est cinq fois plus haute que la moyenne de l’Amérique Latine. Est-ce que ça c’est une démocratie ?
Une élection historique ?
Les médias parlent d’une élection historique à cause des plus de neuf millions de votes qu’a obtenu l’héritier de la Sécurité Démocratique d’Álvaro Uribe. Ils vont jusqu’à dire que Santos jouira d’une plus grande légitimité qu’Uribe pour gouverner, car il a obtenu presque deux millions de votes de plus que l’antioqueño. Ils évoquent également le taux important d’abstention — qui a dépassé les 55% — et le mettent en rapport sans de plus grandes analyses avec les fortes pluies tombées durant toute la journée et à la coïncidence entre la journée de scrutin et le Championnat du monde de football en Afrique du Sud.
La population estimée colombienne par le Département Administratif National de Statistique (DANE) pour le 20 juin 2010 à 9 heures du soir est d’environ 45 494 892 personnes parmi lesquelles 29 983 279 peuvent exercer leur droit de vote selon le Registre National. De ces quasi 30 millions de personnes ayant le droit de vote, seulement un peu plus de 13 millions (13 337 658 exactement) l’ont exercé, ce qui donne une abstention de plus de 55,5% (55,5163...%). Cette donnée rend compte de la "légitimité" avec laquelle va gouverner celui qui sera le seul président au monde a être sous le coup d’un ordre d’arrestation de la part d’un autre pays. [1]
Pour commencer, Santos va gouverner un pays de 45 millions d’habitants avec l’appui électoral de 9 millions d’entre eux, c’est-à-dire 20% de la population. Il est certain que cette donnée peut sembler tendancieuse puisque seules les personnes majeures peuvent voter et que plus de 30% de la population n’a pas atteint cet âge, mais les immigrés (plus de 109 000 personnes en 2005) non plus, de même pour beaucoup de personnes qui ont été déplacées de force. Sont aussi exclues du droit de vote, les personnes condamnées pour rébellion ou pour d’autres délits politiques, il y en a tout de même 7000 en Colombie. Sont également exclue du vote environ 500 000 membres de la force publique. De même que les milliers de membres de l’Union Patriotique assassinés, victimes des “faux-positifs” militaires. Les morts non plus ne peuvent pas voter, mais en Colombie des votes post mortem apparaissent toujours.
Source : Prensa Rural "¿Para quién va a gobernar Santos ?"
Traduction : Primitivi
[1] Santos fait l’objet d’un mandat d’arrestation émis par l’Équateur pour avoir été responsable d’une opération militaire violant l’intégrité du territoire équatorien : le bombardement d’un campement des FARC sans même que la présidence équatorienne n’ait été tenue au courant de l’opération.