Lille : ELDORADO pour qui ?

Invités par "ELNORPADCADO" à montrer ses films, PRIMITIVI vous fait un récit de la lutte pour le Droit à la Ville chez les ch’tis...

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Invités par "ELNORPADCADO" à montrer ses films, PRIMITIVI vous fait un récit de la lutte pour le Droit à la Ville chez les ch’tis...

J’étais à Lille deux soirs de suite, invité par les DAVIDS et Tomjo de "ELNORPADCADO", événement organisé pour contrer la propagande de la 5è édition de Lille 3000 baptisée cette année ELDORADO.

Lille 3000 ? Mais si, souvenez-vous, après 2004, année de la capitale culturello/touristico/marchande, les pauvres Lillois en ont pris pour mille ans avec ce label qui renouvelle, année après année, les grand-messes touristiques à thématiques. Cette année, la 5è édition s’appelle carrément "ELDORADO" !

Les camarades de ELNORPADCADO (parmi eux TOMJO et MODESTE RICHARD dont nous vous avions montré il y a quelques mois le film « morts à 100% : POST-SCRIPTUM au cinéclub de la DAR) entendent « barrer la route aux conquistadors » en organisant toute un programme extra de contre-propagande : évènements critiques, festifs et intelligents pour réfléchir au monde que nous fabrique la course droit dans le mur de la verroterie consumériste.

Associés aux DAVIDs qui eux, organisent régulièrement des projections au cinéma « l’Univers », ils ont programmé "La fête est finie" qui fait si bien le lien entre lille et Marseille, et une soirée "spéciale chroniques courtes" avec 15 chroniques PRIMITIVI pour raconter l’hiver mouvementé, dur et fort en émotions que nous avons vécu à Marseille. Et comment, de la Plaine à Noailles, du Mur à nos 9 morts, en passant par la Canebière en flammes, Marseille a lutté contre le rouleau compresseur aveugle la gentrification marchande :

https://www.elnorpadcado.fr/La-Fete-est-finie-Film-et-rencontres

https://www.elnorpadcado.fr/Lutte-de-la-Plaine-a-Marseille-Films?fbclid=IwAR2ZP4bc4OyrifW0R6HczMbgLo55riLePFRMWFQbbLxe7J2II0jCD2FzReo

Projections pleines de monde et riche en émotions partagées entre Lille et Marseille. Les deux villes ont beaucoup à se dire, et leur peuples luttent de la même façon pour garder le droit à la Ville. On le savait depuis longtemps, puisque "la fête est finie", (notre film qui critiquait la Capitale européenne de la Culture comme cheval de Troie de la gentrification à Marseille) avait piqué son titre , avec l’accord de leurs auteurs, à un brûlot Lillois datant de la même capitale de la Culture à Lille en 2004. (cf http://lafeteestfinie.free.fr/)

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« Si la technologie de communication est de plus en plus développée, pourquoi sommes-nous chaque jour plus sourds et plus muets ? » Eduardo Galeano

C’est la citation en exergue du site elnorpadcado.fr qui centralise le programme des hostilités et des textes de critiques clairvoyants et lucides sur la mayonnaise proposée par « Lille 3x0 = 0 ». L’édito poursuit :

« En 2004, Lille devait redorer son image pour attirer les investisseurs. Depuis, Lille3000 accompagne esthétiquement les orpailleurs de la nouvelle économie. En 2019, l’agence de communication célèbre l’esprit conquérant de l’Eldorado. C’est un aveu d’intentions prédatrices. Cette époque de génocide, de pillage des sous-sols et de colonisation a ouvert la voie au développement capitaliste de l’Europe. C’est pourtant dans ces Veines ouvertes de l’Amérique latine (Galeano) que les conquistadors du XXI° siècle veulent nous faire parader (…) Pour nous, c’en est assez de ces entreprises de marketing territorial costumées en événements culturels ; et pour lesquels nous devrions jouer les figurants. « 



Quand on sort de la gare Lille-Flandres, on est immédiatement accueilli par les buildings de verre et d’acier d’Eurolille, qui ont poussé comme des champignons. Et ça continue, grues et grilles de chantier sont omniprésentes. En contrebas, une statue pas encore vraiment placée montre François Mitterand levant le bras vers les buildings, chef d’orchestre d’un socialisme soumis au libéralisme et lui déroulant le tapis rouge. On est à quelques dizaines de mètres de la rue du Faubourg de Roubaix où les habitants des petites maisons de l’ilot Pépinière luttent depuis des mois contre l’expropriation par l’avancée inexorable d’Eurolille, machine de verre et d’acier qui s’étend comme le feu dans la Plaine.

Comme les camarades de Elnorpadcado ne pouvaient décemment se permettre d’aller assister aux expos, je m’y suis collé. Est-ce que c’était nul, bête et méchamment vendeur de hamburgers ? Certes non, c’est peut-être ce qui fait la violence symbolique de la chose. Une magnifique expo mexicaine montre des œuvres de Diego Riveira, une gravure de zapata en paysan, fusil à la main, ou des fresques de jeunes graffers anars de Oaxaca. Mais alors, les grincheux d’Elnorpadcado n’en feraient-ils pas trop ? L’Eldorado serait-il à prendre au second degré ?

Non, non, c’est juste que « l’art, souvent, il n’y a rien à comprendre » comme le prétendait Didier Fusillier, et-directeur de Lille 3000, en 2017, toujours rétribué 4300 bruts/sem comme conseiller artisitique. Martine Aubry, elle, cherchait à nous expliquer : « Dans un monde qui doute, l’Eldorado nous invite à regarder vers l’avenir : quels sont nos ’’Eldorado’’ contemporains ? »
Et JF Dutilleul, représentant de Rabot-Dutilleul géant du BTF qui siège au CA de Lille3000 et construira aussi la piscine olympique finit de nous éclairer : « il n’y a pas de développement économique sans développement culturel ».
CQFD on a compris, Lille 3000 est bien « une bouillie postmoderne. Tout ce qu’elle touche est vidé de son sens », et comme le capital d’aujourd’hui, elle peut digérer sa propre critique pour en faire sa propagande.
PORNO CITY : LOVE IT OR LEAVE IT conclue une œuvre de gilles Barbier.


A 10 minutes à pied, dans la gigantesque Friche Saint-Sauveur, terrain non construit de 23 hectares, un doigt d’honneur en bois de plusieurs mètres de haut répond à la flèche de l’hôtel de Ville ou aux buildings « bio », recouverts d’images de fruits et légumes qui la borde. C’est là le quartier général de « ELNORPADCADO ». L’équipe à participé au recours présenté pour contrer le projet immobilier qui devrait raser la Friche. Ils ont gagné ! Et mis plusierus mois de retard au projet. A suivre...

J’ai aussi passé une après midi avec les gens de l’Atelier Populaire d’Urbanisme de Fives (un quartier populo pas loin du centre) qui avait déjà passé des films de Primitivi pour fêter ses 40 ans il y a quelques semaines. Elissar, qui était venue au Carnaval de la Plaine, et deux collègues m’ont accueilli dans leur bureaux puis nous ont fait faire une visite guidée dans le quartier, où on sent un peu partout les attaques gentrificatrices du centre-ville qui progresse inexorablement.



Ici, les petites bicoques en briques, parfois très dégradées et où les gens vivent depuis 100 ans, excitent l’appétit des promoteurs. Là non plus, on n’est pas à une contradiction près, et la Mairie finance par exemple, dans le cadre de son « eldorado », cette fresque avec le visage du gars qui a écrit les paroles de « l’internationale » et qui était ouvrier dans une usine du quartier. Il n’empêche que chaque vieille maisonnette de prolo est murée en porte SITEK, et retapée par la societé d’aménagement « la fabrique des quartiers » qui en fera des logements inaccessibles aux pauvres.


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