Scandale : Le carnaval 2013 de La Plaine et de Noailles a eu lieu le 17 mars. Une effigie de MP13 était brûlée en place publique, à l’issue d’un procès stalinien, sous les huées d’une foule prise de vin.
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"Carnavas es arribat, Fuma la pipa fuma la pipa"
Cette année encore, les tribus de Marseille ont convergé vers la Plaine pour faire sa fête à Carnaval. Elles ont baladé dans les rues de Noailles et de la Plaine un cerbère à 3 têtes symbolisant marseille, capitale européenne de la culture.
Les pandores pour l’occasion avaient mis leur tenues anti-émeutes et étaient venus nombreux.
Au terme d’un procès rondement mené, le caramentran fut condamné au bûcher.
Tremble Carnaval, le pire est à venir.
http://www.marseille-en-guerre.org/spip.php?article29
La première édition eut lieu en l’an 2000. Une bonne façon d’entamer un millénaire qui pourrait bien être le dernier de l’espèce humaine… Au début, ce n’était que le Carnaval de la Plaine, mais comme la deuxième année une grosse équipe de Noailles était montée participer, il fut décidé ensuite d’un commun accord que le Carnaval passerait aussi par chez eux et nous n’avons a pas eu à le regretter, pendant des années à chaque fois qu’on arrivait à Homère ça doublait d’intensité.
A Marseille, la tradition s’était perdue. La Ville, au milieu des 90’, avait instauré un pseudo-carnaval. Un défilé des enfants des écoles, costumés, sous l’œil attendri des parents massés sur les trottoirs. Quelques minutes après le passage du défilé, les services municipaux procédaient déjà au nettoyage des confettis. Le mot d’ordre de ce pseudo-Carnaval semblait être : surtout, pas le moindre excès. À tel point que les autorités l’ont ensuite transféré au Prado, autrement dit à Dache, parce que cette innocente promenade déplaisait aux commerçants d’en-ville qui lui imputaient une baisse de la clientèle cet après-midi là…
L’idée que le carnaval soit spécialement destiné aux enfants en dit long sur la tristesse d’une époque et d’un pays. Les adultes, désormais formatés, laissent à leur progéniture la liberté du carnaval, liberté au demeurant bien bridée. A la Plaine même, il n’est pas rare d’entendre des gens qui par ailleurs se la jouent cool dire « Ah moi j’ai horreur de me déguiser », « Ah moi je ne supporte pas qu’on me jette de la farine dessus » etc. Moi, moi, moi ! Alors que le Carnaval, c’est justement la dissolution momentanée du Moi, grâce au masque qui nous projette dans une salutaire indistinction ! « Il y a des hommes qui par manque d’expérience ou par stupidité se détournent de tels phénomènes comme de “maladies populaires”, avec des sarcasmes ou des airs de pitié, tout remplis qu’ils sont du sentiment de leur propre santé : les malheureux, ils ne soupçonnent certainement pas quel teint cadavérique et quelle allure fantomatique prend leur “santé” quand passe, en grondant auprès d’eux le cortège, flamboyant de vie, des fous de Dionysos. »
Les mois précédant la première édition furent consacrés à se transmettre quelques expériences en la matière, un ami de Saint Roch et un autre bon connaisseur des traditions carnavalesques occitanes vinrent un bel après-midi nous raconter… La bataille de farine a pour effet d’interdire les spectateurs. Ou bien l’on entre dans le jeu, ou bien l’on s’enfuit. Elle nous fut inspirée par le carnaval indépendant de Saint Roch, à Nice. Le procès nous fut inspiré par l’exemple du carnaval de Murs, sur le plateau de Vaucluse : un tribunal en tenue, des témoins, des plaidoiries, un verdict, du feu et des danses. Et le vin, bien sûr.
Il ne fut pas facile de mettre en place le procès, il fallut attendre la troisième année pour que cela fonctionne. Cette année-là, le réaménagement de la Plaine par la mairie du IVe-Ve, dans une perspective tristement sécuritaire (avec ces grilles qui viennent clôturer un espace qui a toujours été ouvert depuis qu’il existe), provoqua une telle indignation que le procès put avoir lieu, avec une intense participation de la foule. Le Caramentrant était un énorme cochon rose, sanglé d’une écharpe tricolore et muni d’un badge « Maire du IVe-Ve »… Une personne travaillant dans cette mairie nous confia plus tard que Bruno Gilles avait été très affecté de se savoir représenté sous des traits porcins, jugé puis brûlé sous les imprécations publiques…
À partir de là, les procès ne cessèrent d’accabler les malfaisants de tout poil : en 2004, le Caramentrant qui représentait un Sarkozy grimaçant et en uniforme de la police fut embarqué par deux patrouilles de CRS, alors qu’il attendait tranquillement l’arrivée des Carnavaliers. Libéré par les inspecteurs de permanence de l’Évêché qui avaient du sentir le ridicule de la situation, il fut finalement condamné au bûcher après un procès animé (ce fut sans doute l’année où les carnavaliers participèrent le plus au procès par leurs témoignages). Furent par la suite incendiés Euroméditerranée, le Capital représenté sous forme d’un crapaud habillé de billets de banque, Gaby le Gabian (logo du futur tramway) juché sur un horodateur, l’incinérateur de Fos-sur-mer (une véritable petite usine, avec des cheminées crachant parfois de la fumée), l’Identité nationale sous forme d’un coq tricolore, la vidéosurveillance sous forme d’un œil cyclopéen, etc. Bref, au fur et à mesure des Carnavals les carnavaliers du quartier n’ont cessé de gagner en savoir-faire et en imagination créative, maniant avec une dextérité consommée des matériaux aussi divers que le bois, le papier, le métal, la colle et la peinture… Ils sont à présent réputés dans tout le bassin méditerranéen, et le temps n’est pas loin où l’on viendra les solliciter pour transmettre tous les secrets de leur art à d’autres carnavaliers, sous d’autres cieux.
Nous ne pouvons résister à l’envie de citer ces extraits d’une étude de l’International Anthropology Social Studies League [1] menée l’an dernier. « Selon les personnes interrogées, il semble que le Carnaval de la Plaine-Noailles ait connu périodiquement des difficultés au niveau de l’accompagnement musical. Les témoignages s’accordent à dire que les premières années, plusieurs équipes vinrent spontanément, sur des registres variés allant de la musique traditionnelle provençale à la percussion brésilienne, de la cabreta auvergnate à la fanfare tzigane (en l’occurrence un groupe de musiciens de rue venus de Roumanie). Un steel-band à la manière de Trinidad a même honoré le Carnaval de sa présence, en 2005 semble-t-il. En 2004, des musiciennes de Naples ont participé, juchées sur un camion, interprétant des chants de Campanie ; en 2008, c’était un groupe de jeunes Calabrais venus de la province de Cosenza qui jouèrent la tarantella, munis de masques de leur propre Carnaval. Mais les mêmes témoins concordent pour dire qu’avec le temps, les musiciens se raréfièrent. Sans doute l’enfarinage (malgré la consigne d’éviter les musiciens) en fit-il fuir plus d’un, c’est du moins l’hypothèse la plus fréquemment formulée auprès de nos enquêteurs. » Nous pouvons effectivement confirmer ces remarques, qui attestent du sérieux de cette enquête. « La participation, au milieu des années 2000, du groupe Sabòi permit de surmonter ce problème récurrent : groupe s’inspirant directement de la tradition du carnaval occitan de l’époque baroque, issu pour partie de l’ancien Tarabastal, Sabòi, en vrai groupe de rue, dont les membres sont masqués et revêtus de peaux de bêtes, ne semble craindre ni la farine ni les bousculades. Le groupe recours à une instrumentation typiquement de rue : tambourins et bachàs, hautbois et chalumeaux qui leur garantissent un haut niveau sonore. Au demeurant, il est possible que le respect entourant spontanément ce groupe à la prestation impressionnante ait pour beaucoup contribué à leur éviter un enfarinage excessif. Toutefois, la venue de Sabòi semble avoir posé d’autres problèmes : formation professionnelle, Sabòi demande une rétribution, bien qu’il se soit parfois produit gratuitement lors du Carnaval de la Plaine. Or il semble que le collectif informel organisant ce Carnaval soit très attaché à son indépendance et donc au fait de ne demander aucune subvention, ce qui rend difficile la rétribution d’un groupe professionnel. » Ces remarques, que l’on peut trouver dans le compte rendu de la volumineuse étude consacrée par l’I.A.S.S.L. aux mœurs des indigènes marseillais au seuil du nouveau millénaire, sont en effet pertinentes. Car ces dernières années, le problème s’est de nouveau reposé, et il semble qu’il ne puisse être surmonté que par l’appropriation de répertoires carnavalesques (farandoles, rigaudons et tarantelles) par des habitués du Carnaval eux-mêmes. Quelques personnes possédant déjà ces répertoires pouvant faire office de guides musicaux, et des ateliers de tamburelli ont été mis en place en ce sens. Percussions et instruments à vent ne manquent pas, manque seulement la maîtrise commune d’un répertoire simple mais efficace dont plusieurs indices donnent à penser de penser qu’il est en train de se construire peu à peu.
Le chant a mieux fonctionné. Un article de la Rivista Mediterranea di Musica Popolare [2], qui fait autorité en matière de chant populaire, dit ainsi : « Dès la deuxième année du Carnaval, les chorales masculines et surtout féminines dirigées par un chanteur occitan professionnel du quartier marquèrent le Carnaval de la Plaine de leurs chants, ce qui pouvait aller jusqu’à 60 ou 70 personnes interprétant un chant occitan, traditionnel ou bien tradinnovant tel le désormais fameux "Quand avèm tot acabat, fuman la pipa, fuman la pipa de ganja !" Par la suite, la présence du chant a un peu diminué : il semble que certains participants n’aient guère été sensibles qu’à la dimension de loisir de ces ateliers, dans une logique de zapping culturel assez fréquente dans le quartier de la Plaine, et se soient ensuite dirigées vers d’autres offres de loisir. Mais une présence d’au moins une vingtaine de chanteurs, voire plus, s’est maintenue, avec un niveau de compétence relativement élevé – si l’on tient compte du fait que certains chanteurs s’abandonnent à la boisson durant cette déambulation où le vin est offert à tout participant âgé de plus de dix ans. Il arriva que certaines années, des chants fussent composés expressément pour l’occasion du Carnaval mais cela ne semble pas avoir perduré à ce jour. Le cercle des chanteurs (en fait, principalement des chanteuses) constitue lors de la déambulation le point dynamique. Plusieurs arrêts, en haut de la rue d’Aubagne, au lieu-dit Homère, place du Marché des Capucins et parfois à la hauteur de l’Ostau dau País Marselhés, permettent au cercle de se former et au chant de s’imposer, appuyé par les tamburelli et autres tammorre. Le chant s’impose encore avec plus d’évidence au moment où le Caramentrant est incendié, soutenant la farandole autour du brasier. »
Par ailleurs, selon le rapport d’études de l’International Anthropology Social Studies League cité plus haut, « la dimension protestataire de ce Carnaval de la Plaine-Noailles est fortement enracinée. La dernière édition a par exemple dénoncé la mise en place d’un système de vidéosurveillance dans les quartiers du centre de Marseille. Un document interne à la Direction Générale du Renseignement Intérieur que nous avons été autorisés à consulter affirme ainsi : "L’hostilité au principe même de la vidéosurveillance semble partagée au sein de la faune interlope qui fréquente les débits de boissons et les locaux associatifs de la Plaine. Le défilé carnavalesque de cette année (2012) s’est en effet accompagné de déprédations symboliques à l’encontre de plusieurs caméras, sous les applaudissements du public. Quelques mois après, un charivari manifestement inspiré de ce Carnaval a entraîné la destruction de plusieurs caméras dans le quartier voisin de Noailles. S’il n’a pas été possible d’identifier les auteurs de ces violences, qui agissaient sous le couvert de masques carnavalesques, il est loisible de penser qu’un fil conducteur relie les deux manifestations. Aussi la possibilité d’une interdiction de ce Carnaval se pose-t-elle : le fait que cet événement n’ait jamais fait l’objet, de la part d’organisateurs eux-mêmes non identifiés, d’aucune déclaration préalable ni en Préfecture ni auprès des services municipaux pourrait être effectivement invoqué à l’appui d’une telle mesure. Toutefois, il est à préciser que celle-ci pourrait très certainement s’avérer contre-productive, par la nature des réactions qu’elle serait à même d’entraîner dans ces deux quartiers où le maintien de l’ordre républicain s’avère déjà difficile en temps normal." Les témoignages que nous avons recueilli lors de notre enquête semblent confirmer les conclusions de ce compte rendu policier. De plus, Marseille se trouve en cette année 2013 à assumer le titre de Capitale européenne de la Culture : il s’agit de dispositifs européens, en ce cas géré depuis Paris, avec des financements publics et privés, visant à libérer les centre villes de populations non productives pour y attirer des créatifs, capables d’accélérer les nécessaires processus de rénovation urbaine (tel que cela se fait couramment dans notre pays, à Boston, New-York, San Francisco et New-Orleans, cette dernière ayant eu la chance de bénéficier de procédures accélérées grâce à l’ouragan Katrina). Il semble que cet événement culturel de prestige ne fasse pas toujours l’unanimité au sein d’une population locale de faible niveau culturel et au pouvoir d’achat réduit, facilement séduite par des postures extrêmes. Certains de nos informateurs nous ont ainsi laissé entendre que le Carnaval, qui doit cette année se dérouler le 17 mars, pourrait s’en prendre avec une certaine virulence au dispositif Marseille-Provence 2013. » Si les anthropologues de la I.A.S.S.L le disent…
Un Carnavalier de la Plaine-Noailles.
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